D’un statut de fonctionnaires au statut privé via le statut 2003…
Créée en 1967, l’ANPE était la réponse de Jacques Chirac au chômage de masse qui s’installait et devait exploser avec le premier choc pétrolier de 1973. Les agent-e‑s de ce service public étaient alors des fonctionnaires d’État.
Malgré l’installation du chômage qui devenait non plus conjoncturel mais structurel, les premières attaques contre cette institution se sont amplifiées dans les années 90. Le premier choc pour le personnel de l’ANPE fut la fin du statut de fonctionnaire pour celui d’agent‑e public sous contrat et régi‑e par le statut 2003 que nous combattions à l’époque. La fusion ANPE/ASSEDIC apportera le statut privé auquel près de 90% des collègues adhéreront, fortement incité-e‑s par les pressions de la hiérarchie et par deux primes équivalentes à un 13ème et 14ème mois mais impliquant l’abandon de la grille de la fonction publique et certaines protections disciplinaires. Malgré une opposition dans le texte de nombreuses organisations syndicales, la lutte ne fut pas à la hauteur des enjeux et, à l’automne 2008, Pôle Emploi était créé sous l’égide du ministre du travail de l’époque… le monsieur d’en haut… Xavier Bertrand, le pourfendeur du service public avec son arme pathétique…. proche emploi !
De l’accompagnement au contrôle : une gestion des usager-ères toujours plus inhumaine, toujours plus systématisée…
Jusqu’à l’arrivée du suivi mensuel personnalisé (SMP), les bénéficiaires de nos services venaient en agences lorsqu’ils-elles en avaient besoin ou, jusqu’à la fin de siècle dernier, pour déclarer leur situation mensuelle. Le SMP a changé les habitudes, les demandeurs et demandeuses d’emploi ont été regroupé-e‑s en portefeuilles et attribué-e‑s à un‑e conseiller-ère attitré‑e. Pour un suivi de qualité et une connaissance des chômeuses et des chômeurs qui nous étaient confiées, nos portefeuilles ne devaient pas excéder 60 personnes… Dès le départ, nous avions entre 150 et 400 personnes à suivre.
Présenté comme un service personnalisé pour les personnes suivies, il s’est avéré que nous devions convoquer nos bénéficiaires tous les mois afin de contrôler les démarches de recherche d’emploi et proposer des prestations et des accompagnements. Ce qui aurait pu être une méthode d’accompagnement moins impersonnelle laissait déjà présager des changements profonds de nos missions ; la fusion et ses plans stratégiques successifs allaient transformer profondément nos missions et notre appréhension du métier.
De la fusion à la privatisation, vers la destruction….
De Mitterrand à Hollande en passant par Sarkozy, la volonté des princes autoproclamés est claire : privatiser le service public de l’emploi. Dans les balbutiements de la fusion, il fut fait appel à des officines privées pour suivre un certain nombre de demandeurs-euses d’emploi et démontrer l’inefficacité des agent-es de Pôle Emploi. L’expérience démontrera qu’à un coût très inférieur, les conseillers-ères à l’emploi obtenaient de bien meilleurs résultats. Ce projet fut mis en sommeil jusqu’à aujourd’hui… Les attaques contre le service public de l’emploi sont toujours plus nombreuses, toujours plus destructrices et actuellement, avec le Nouveau Parcours du Demandeur d’Emploi, les usagers-ères sont repoussé-e‑s hors de nos agences et confiées avec une persuasion très incitative au secteur privé. La hiérarchie impose aux collègues de confier les demandeurs-euses d’emploi les plus autonomes (celles et ceux qui n’ont besoin de personne pour chercher un emploi) à des prestataires privés ; en somme, il nous est demandé de détruire nos missions afin de les confier au privé car le chômage est une activité très lucrative !
Le comble du mépris et le message asséné dans notre nouvelle organisation : faire plus pour ceux qui en ont le plus besoin !! Pour atteindre cet objectif, les outils du numérique sont incontournables dans sa recherche d’emploi (au diable les personnes rencontrant des difficultés de lecture, d’écriture, ne maitrisant pas l’outil informatique ou ne pouvant s’en procurer) et nos agences sont fermées l’après-midi. Que ces gueux et ces gueuses aillent chercher un emploi ailleurs ! Tout peut se faire d’un ordinateur. Alors, qu’ils-elles s’y mettent. La cerise sur le gâteau nous fut offerte en ce début d’année 2016 avec la mise en place dans chaque région de cohortes de contrôleurs et contrôleuses dont la mission est de vérifier que les inscrit-es à Pôle Emploi effectuent suffisamment d’actes de recherches d’emploi… Et si tel n’est pas le cas, ils seront les seul-es à décider de la radiation de ces malchanceux-euses tombé-es au contrôle !
En parallèle à cette destruction planifiée de Pôle Emploi, la convention UNEDIC est, de négociations en négociations, attaquée par les gouvernements, le MEDEF et les syndicats d’accompagnement, ceux-là mêmes qui sont prêts à signer la loi de destruction du code du travail.
De la proposition de réinstaurer la dégressivité des droits en passant par le raccourcissement de la période d’indemnisation voire la destruction du statut d’intermittent, l’offensive ultralibérale des « partenaires sociaux » est sans précédent. Sauver le service public de l’emploi, le rendre à ses usager-ères devient une urgence !
Les militantes et militants de la CNT EFI Nord – Pas-de-Calais – Picardie sont engagé-es dans la lutte depuis quelques années. Aux côtés de la CIP (coordination des précaires et intermittents), du groupe des désobéissants d’Amiens, nous multiplions les actions contre Pôle Emploi et portons l’information aux précaires. D’occupations ou blocages de sites, en organisation d’AG ou de temps d’échanges au sein des agences, la lutte s’organise. De dix à trente activistes, les temps d’essoufflement se multiplient. Les syndicats dits de combat de l’établissement ne nous rejoignent pas malgré nos invitations et nos collègues imitent à merveille l’élégante autruche.
Cependant, nous voyons arriver de nouveaux et jeunes activistes ce qui nous permet de tenir.
Pour nous militantes et militant de la CNT EFI, l’essentiel est de participer à l’organisation de ces actions, de cette lutte, en mettant à disposition de ces collectifs nos moyens humains et matériels et notre connaissance en matière de militantisme.