À l’oc­ca­sion de l’an­niver­saire de Fukushi­ma, s’est tenue une réu­nion publique du col­lec­tif lib­er­taire, à l’e­space Dewail­ly, qui posait la ques­tion suiv­ante : « Doit-on sépar­er la cri­tique du nucléaire de celle de la société qui le rend néces­saire ? ». Plusieurs points ont été abor­dés de manière très libre au cours de la dis­cus­sion. En voici quelques-uns.

Le dis­cours insti­tu­tion­nel de non-dan­gerosité du nucléaire s’ac­com­pa­gne d’ac­tions qui indiquent pour­tant l’inéluctabil­ité de la cat­a­stro­phe : assou­plisse­ment des règle­ments, par les autorités san­i­taires, sur les dos­es de radioac­tiv­ité « assim­i­l­ables » par le corps humain, évo­lu­tion des tech­niques de cul­ture hors-sol qui per­me­t­tront le retour des pop­u­la­tions sur les zones irradiées. Et con­cer­nant les dif­férents nuages à pail­lettes flu­o­res­centes, tch­er­nobylien et fukushimesque, ils se sont peut-être essuyés les pieds sur les pail­las­sons des lim­ites frontal­ières, mais c’é­tait sans réelle conviction !

La ques­tion du nucléaire implique celle des éner­gies renou­ve­lables, et les prob­lèmes que celles-ci induisent ont été pointés : exploita­tion des ter­res rares[[Les ter­res rares sont des métaux dont l’ex­trac­tion et le raf­fi­nage entraî­nent le rejet de nom­breux élé­ments tox­iques (métaux lourds, acide sul­fu­rique) ain­si que d’élé­ments radioac­t­ifs (ura­ni­um et tho­ri­um). La radioac­tiv­ité mesurée dans les vil­lages de Mon­golie-intérieure proches de l’ex­ploita­tion de ter­res rares de Bao­tou est de 32 fois la nor­male (à Tch­er­nobyl, elle est de 14 fois la nor­male).]] indis­pens­ables à la pro­duc­tion de cer­tains com­posants d’éoli­ennes, coût énergé­tique trop élevé pour la fab­ri­ca­tion des pan­neaux solaires, nui­sances olfac­tives des usines de méthani­sa­tion, etc. Tant que le cadre de réflex­ion sur ces éner­gies demeur­era celui de la pro­duc­tion et de la con­som­ma­tion de masse, les solu­tions tien­dront du cautère sur jambe de bois.

Les déci­sions pris­es par cer­tains gou­verne­ments, bien après Hiroshi­ma et Nagasa­ki, de recourir à l’én­ergie nucléaire a engagé les généra­tions à venir. Il est main­tenant impos­si­ble de penser une société sans nucléaire non pas comme méth­ode de pro­duc­tion d’én­ergie mais en tant que réal­ité irra­di­ante, destruc­trice, meur­trière, même une fois les cen­trales arrêtées. En cas d’ac­ci­dent ou de cat­a­stro­phe les moyens à met­tre en œuvre sont tels que les con­cevoir en dehors d’un État paraît illu­soire. De par son pou­voir mor­tel, le nucléaire agit comme une épée de Damo­clès, bien plus sûre­ment qu’un réseau de caméra de sur­veil­lance hyper­trophié ou que la présence d’un car de CRS à chaque coin de rue.

Reste la vérité crue : en Anar­chie il va bien fal­loir gér­er les réac­teurs éteints et les déchets. Y a‑t-il un ingénieur lib­er­taire dans la centrale ?