L’heure est grave ! Pour certains du moins, d’après ce titre surprenant du courrier Picard, mais pas pour les libertaires. Le changement n’a peut-être pas encore sauté aux yeux des nombreux travailleurs qui empruntent quotidiennement cet axe névralgique d’Amiens, mais la rue Saint-Fuscien est bien un espace autogéré.
Petite explication.
Auto-proclamée hors N.F. (et hors Tafta) cette zone autonome (temporaire ?) a vu ses places de parking bitumeuses remplacées par des bosquets de plantes luxuriantes et délicieusement odorantes. Les horodateurs ont été abattus. Çà et là, à l’opposé des politiques urbaines sécuritaires contemporaines, ont été disposés aléatoirement des bancs pour que des êtres humains puissent se rencontrer et échanger dans les espaces communs qu’ils se sont ré-appropriés. Pour l’anecdote, quelques farfelus ont bâti un colombier sur les ruines des Illustrations picardes, place de l’Assassin Joffre, avec des matériaux de récupération.
Fait remarquable l’endroit semble jouir d’un micro-climat qui le sauve de la grisaille habituelle. Et la végétation repousse les effluves pestilentielles (et très probablement toxiques) des usines chimiques situées en périphérie de la ville.
La jonction a été faite avec les jardins ouvriers du Faubourg de Noyon, après avoir détruit quelques bâtiments inutiles de la République. Les habitants s’organisent pour la répartition des tâches à venir pour les futures cultures, et l’on discute ferme mais avec succès des modalités de prises de décisions collectives, de la rotation et du tuilage des mandats impératifs et de la façon de redistribuer équitablement les productions. Tout cela est rendu possible par l’absence des partis politiques et des syndicats réformistes, lesquels sont naturellement trop occupés à ne rien faire pour l’émancipation des individus.
Du côté de la mairie c’est un mélange d’indignation, d’effroi et de stupeur qui agite les zélés élus de la drauche comme de la groite. Certains se sont évanouis en apprenant que les antennes-relais de téléphonie mobile avaient été démontées et que la construction d’un aérogénérateur sur le modèle d’un badgir persan avaient débuté dans la cour de la DRAC…
Et le phénomène semble s’étendre. Ainsi lors d’un match amical de hoquet au Coliseum, survolant la foule comme une respiration printanière, la rengaine suivante a fusé à maintes reprises dans plusieurs tribunes :
“NDDL, SIVENS, SAINT-FUSCIEN, MEME COMBAT !!!”